Le Bon Coin : une adresse chargée d’histoires

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L’adresse du siège du site LeBonCoin, Rue du Faubourg Saint-Martin, fut riche en histoires. Retour sur plus d’un siècle d’événements, parfois tragiques, au cœur du 10ème.

Il fut un temps où Internet n’existait pas, où les achats se faisaient uniquement dans des magasins que bon nombre d’entrepreneurs ambitieux, visionnaires ou révolutionnaires voulaient toujours plus grands. C’est peu de temps avant une autre Révolution, en 1784, qu’ouvre à quelques mètres des futures Classes Laborieuses, le premier grand magasin de la capitale et de France : Le Tapis Rouge (au 67, rue du Faubourg Saint-Martin). Ce magasin de — seulement 1750 m2 ! — fut considéré un temps comme « le temple de la consommation » à une époque où seules les petites échoppes régnaient. Dans la foulée, suivront Les Grands Magasins du Louvre (1855), Le Bazar de l’Hôtel de Ville (1856), Le Printemps (1865) ou encore La Samaritaine en 1869. À coté de ce « quatuor commercial » Rive droite, c’est en 1863, qu’Aristide et Marguerite Boucicaut donnent naissance Rive gauche au Bon Marché, un établissement qui atteindra jusqu’à 50 000 m2 de superficie.

Dans son testament, Marguerite Boucicaut désigne L’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris comme légataire universel et demande que soit construit un hôpital sur la rive gauche. L’hôpital Boucicaut est inauguré en 1897, l’année même où, de nouveau Rive droite, s’installe la société anglaise « Aux Classes Laborieuses, Limited ». L’entreprise y achète un immeuble au 46-48, boulevard de Strasbourg puis, deux ans plus tard, un terrain à l’arrière du magasin où elle fait construire l’immeuble que l’on connaît aujourd’hui : 85-87, rue du Faubourg Saint-Martin. L’édifice est conçu par l’architecte Jacques Hermant (1855-1930), pionnier du béton armé, le nom du magasin Aux Classes Laborieuses est gravé sous la corniche d’une façade d’inspiration classique et l’immeuble est primé par la ville de Paris en 1900. Aux Classes Laborieuses est une « cathédrale du commerce », où se vendent linge de maison, tissus, mais surtout, plus rare à l’époque dans un seul et même lieu, de la confection pour femmes, hommes et enfants, des meubles, des articles ménagers en tout genre et des jouets. Tout comme Au Bon Marché, l’enseigne attire les classes populaires et propose des prix très attractifs.

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La Grande Guerre aura raison de cet engouement. Les préoccupations sont ailleurs, les clients boudent ces très grands magasins, l’immeuble est désaffecté puis vendu, en 1920, à un tout nouveau marchand de meubles : Wolff Lévitan (1885-1966). Le meuble est symbole de reconstruction, cela fonctionne. La société prospère, Lévitan devient également fabricant, rapidement le premier fabricant français de meubles. Le magasin de la rue du Faubourg Saint-Martin est modernisé, sa réputation dépasse largement la capitale tant sont nombreux les jeunes ménages à « monter » à Paris pour refaire leur intérieur. Pour assoir son succès, Wolff Lévitan fait appel à son neveu, Marcel Bleustein-Blanchet (1906-1996), jeune publicitaire et récent fondateur de Publicis. En 1930, il invente ce slogan : « Un meuble signé Lévitan est garanti pour longtemps ».

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Le 4 octobre 1940, une décision du régime de Vichy interdisant aux Juifs d’administrer des entreprises, stoppe net la saga Lévitan. L’établissement est confisqué, puis liquidé en juillet 1941 et le stock vendu à bas prix à des négociants allemands. Réquisitionné par les Allemands, le magasin devient, entre juillet 1943 et août 1944, une annexe du camp de Drancy. Les 120 personnes internées dans le magasin assurent la réception, le tri, la réparation, l’emballage et l’expédition vers l’Allemagne des objets spoliés aux Juifs. En septembre 1944, le magasin est récupéré par l’armée française, rendu à Lévitan en décembre 1945 avant de rouvrir l’année suivante.

C’est le début des Trente Glorieuses. Au début des années 50 sort la revue Arts ménagers, le salon du même nom bat son plein, la consommation et la concurrence arrivent, Lévitan n’est plus seul sur le marché. Les années 60 enfoncent encore plus le clou avec la naissance d’enseignes comme Habitat en 1964. Au milieu des années 70, Lévitan se transforme en société foncière et financière, puis vend sa marque, ses usines et ses magasins… L’immeuble est brièvement repris par l’enseigne Meuble 7 puis laissé à l’abandon pendant plus de dix ans. En 2000, il est occupé par l’agence de publicité BETC et transformé par l’architecte Frédéric Jung. Par devoir de mémoire, en 2005, l’agence accroche une plaque commémorative sur la façade de l’immeuble avant d’organiser, deux ans plus tard, une exposition de photos intitulée « La spoliation des Juifs à Paris. Retour sur les lieux ». En 2016, l’agence BETC quitte les lieux pour prendre la direction de Pantin, Le Bon Coin jette son dévolu sur le bâtiment et près de 400 collaborateurs s’installent définitivement fin 2016 au cœur de l’histoire. Depuis, c’est donc le siège du 1er site d’annonces en ligne qui profite, grâce à sa terrasse, d’une vue à 360° sur le 10ème arrondissement et Paris.

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Petites histoires en forme de « coin d’œil » 

Créé en 2006 par Olivier Aizac, Le Bon Coin est la déclinaison d’un site de petites annonces suédois, Blocket.se, initié en 1996 par Henrik Nordström, un ingénieur passionné de vide-greniers. C’est un sondage auprès de 400 internautes français qui décida du nom Le Bon Coin, société dirigée depuis 2015 par Antoine Jouteau. Au moment où nous imprimons le numéro 2 de ce journal, ce sont près de 40 000 annonces que publient sur le site les habitants du 10ème, du téléphone filaire des années 80 à 1 euro au loft de 6 pièces à 1,8 million d’euros. Le 10ème est également l’arrondissement qui a l’une des plus importantes proportions d’annonces de livres, de motos et de vélos.

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Mais loin de notre unique Village, se sont plus d’un milliard d’annonces qui ont été postées depuis l’origine. La milliardième concernait la vente d’une cafetière. Plus insolite, Le Boin Coin peut se targuer d’avoir vendu : un avion, une jaguar ayant appartenu à la Couronne d’Angleterre, le piano de Berlioz, le château où est mort Richard Cœur de Lion, un palace sur la Côte d’Azur et même une météorite ! Et l’amour dans tout ça ? Si Le Bon Coin n’a pas vocation à être un site de rencontres, le hasard s’en mêle parfois. Nombreux en effet sont les témoignages de couples et de jeunes parents qui se sont rencontrés en vendant un surf, un frigo, des jantes de voitures…

 

Imagerie d’antan

Voici une carte postale des années 1900 comme il y en a des milliers sur Le Bon Coin, 120 000 au moment du bouclage de ce numéro. Celle-ci représente la rue du Faubourg Saint-Martin avec, à droite, l’immeuble Aux Classes Laborieuses. À gauche, l’autobus à impériale affiche complet et le café-bureau de tabac, à l’angle de la rue de Nancy, est déjà présent. Aujourd’hui il se nomme Le Coq d’Or et fut repris en 2012 par Céline Chen et son mari.

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Leurs Bons coins dans le 10ème

10 collaborateurs du BonCoin nous révèlent leurs adresses préférées…

ANTOINE, Directeur Général : « Nos voisins d’en face, selon l’heure : Le Pain des Copains (96 rue du Faubourg Saint-Martin), son pain écureuil est un délice, ses chouquettes crousti-fondantes à souhait et Le Petit Saint-Martin (90 rue du Faubourg Saint-Martin), notre QG ! »

ÉRIC, Développeur Back-end : « Levain Le Vin (83 rue du Faubourg Saint-Martin) : le meilleur pain au levain du quartier et sûrement de tout Paris. À emporter ou à accompagner d’une de ses bouteilles de vin naturel. Elaichi (7 rue du Faubourg Saint-Martin) : une excellente restauration rapide du midi, d’inspiration indienne et végétarienne.»

STÉPHANIE, Chief Data Officer et ANTOINE, Directeur Commercial adjoint : « Taka & Vermo (61 bis rue du Faubourg Saint-Denis), une fromagerie tenue par un talentueux jeune couple. Plus de 200 références triées sur le volet, dont certaines affinées sur place, quelques bouteilles pour les accompagner, de bons conseils, un joli cadre, des prix raisonnables et en plus ils sont sympas. Incontournable. »

ROMAIN, Manager France Le Dénicheur (Le Bon Coin Groupe) : « Ama Dao (31-33 rue du Château d’Eau) dans le marché Saint-Martin, un cambodgien version street, sympa, pas cher, propre, rapide, copieux ! »

MARIE-ANNE, Directrice Générale d’À Vendre À Louer (Le Bon Coin Groupe) : « Distrito Frances (10 rue du Faubourg Saint-Martin) : super accueil, une déco toute mignonne et le meilleur du Mexique dans son assiette. Bleuet Coquelicot (10 rue de la Grange aux Belles) : un fleuriste avec plein de fleurs des champs donnant l’impression de faire un tour à la campagne. En sortant on prend un café sur le banc extérieur du bar d’à côté et on est au paradis. »

XUAN, chef de marché emploi : « Bob’s Juice Bar (15 rue Lucien Sampaix) pour ses super bowls et la rue de Lancry qui regorge de petits coins sympas : Natives (44 rue de Lancry) pour les poke bowls, Lily Of The Valley (47 rue de Lancry) pour le thé, SAaM (59 bis rue de Lancry) pour les bao. »

ANNE, directrice de la communication : « O/HP/E (27 rue du Château d’Eau) pour leurs viennoiseries incroyables et la crêperie Kasha (9 rue des Récollets), aussi jolie que délicieuse. Pour la déco : Pompon Bazar (15 Rue du Château d’Eau), Madeleine et Gustave (19 rue Yves Toudic) et La Trésorerie (11 rue du Château d’Eau). Pour le style : APC (5 rue de Marseille), la friperie Kilo Time (8 boulevard de Magenta) sans oublier La Galerie des Lunettes (29 rue Yves Toudic) ! »

ÉDOUARD, contrôleur de gestion : « Enkor (69 rue de Chabrol) pour ses excellents banh mi et Pleine Mer (22 rue de Chabrol) avec ses huîtres en provenance directe de Cancale. »

CLAIRE, manager commerciale emploi : « Le Petit Château d’Eau (34 rue du Château d’Eau), un bar en zinc, une fratrie aux commandes, des produits bons et du terroir ! Une très bonne adresse après le boulot ou le midi avec ses collègues ! Yumi (27 rue du Château d’Eau) : la tendance du moment avec leurs petites bouteilles colorées et la promesse de légumes pressés à froid pour ne garder que le meilleur ! Petit bonus : un repas sur place est possible et c’est cosy ! Et petit tips : la meilleure burrata de Paris ? C’est chez Laurent Bouvet (31-33 rue du Château d’Eau), le fromager du marché Saint-Martin ! »

Auteur : Vincent Vidal. 

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