Thomas Baas

Thomas Baas © Michel Lagarde.

Le rendez-vous est pris, une table en terrasse du Métro, place Bonsergent, à l’heure du premier café du matin. Celle où se croisent les habitués du quartier. Parmi eux des dessinateurs et des éditeurs du 10e fidèles depuis bientôt dix ans à cette adresse. Avec Thomas, on se connaît depuis plus de vingt ans.

Je souhaite lui témoigner mon enthousiasme pour son dernier livre réalisé avec Grand Corps Malade, dont la silhouette parcourra tout l’album au format carré, dans le décor très familier de notre 10e arrondissement. J’allume le magnéto, les bruits de tasses et de sirènes du boulevard de Magenta viendront ponctuer notre entretien, puis on se réfugie à l’intérieur dans une ambiance chaleureuse plus propice aux confidences, une discussion entre copains. Pendant le confinement, Thomas a fait vivre les aventures d’un petit fantôme, son double mélancolique, qui a rencontré un grand écho auprès du petit monde de la littérature jeunesse de la place de Paris, dont il est un illustrateur apprécié depuis bientôt vingt-cinq ans. Thomas préfère garder le silence sur ces images évocatrices réalisées l’espace d’une année de spleen, entre novembre 2020 et 2021. C’est finalement, Cyril Béchemin, un ami éditeur avisé venu d’Angoulême, qui publiera ce Jus d’orage sous la forme d’un joli coffret de cartes postales. La suite de l’aventure, on la doit à l’audace et à la persévérance d’un trio d’éditrices, Seymourina Cruse composé à partir de deux chansons, sous forme d’une balade d’un père qui attend son premier enfant et lui transmet ses valeurs.

Croquis préparatoires pour Définitivement Tu peux déjà.

Je mets les écouteurs, et la voix de Fabien fait le reste. Son premier garçon est né à Saint-Denis, le deuxième à Paris, dans le 10e. Thomas part humer l’air de Saint-Denis en immersion pendant deux jours, tandis que Fabien plonge dans ses souvenirs, revoit le petit manège de son enfance devant la basilique. Thomas crayonne et Fabien corrige. Il s’agit de retrouver les couleurs de l’enfance, l’humeur des jours de pluie, la saveur du Jus d’orage. Onze doubles pages en tout. Thomas me montre ses crayonnés, je suis emballé, tout est déjà en place. Il faudra ensuite placer les grandes masses, tout est dans la couleur, la matière, il s’agit de créer une ambiance, de la poésie dans les petits détails. On évoque les peintres qui l’inspirent, de Manet à Hopper. L’illustrateur se verrait bien peintre dans une autre vie, il a encore le temps d’y penser. Aimerait-il en faire un deuxième ? Pourquoi pas avec Orelsan, tiens encore un voisin! L’éditrice me confiait, il y a quelques jours, que l’on pourrait monter le programme d’une maison d’édition ambitieuse rien qu’avec des voisins! Décidément, il s’en passe des choses au Village Saint-Martin.

Au siècle dernier, les artistes se retrouvaient à Montmartre, à Montparnasse ou à Saint- Germain. Depuis les années 2000, l’inspiration a traversé la Seine et c’est aux abords du canal Saint-Martin que se retrouvent les fantômes de la création.

Auteur : Michel Lagarde

Les adresses qui me font aimer le 10e

En descendant de mon Château d’Eau, j’irai le matin faire un tour en Kabylie; le cul bien ancré sur une chaise de la terrasse du Métro. De là, avec quelques amis de comptoir, nous contemplerons le petit monde du Bonsergent. Quelques allongés et blagues de Bob plus tard, direction le marché. Escapade en Allemagne chez tante Emma Laden, pour refaire un stock de Münchner Weißwürste, puis détour par le Village, « villaggio » devrions-nous dire, on a toujours besoin de conchiglioni et de quelques tranches de lardo di Colonnata.
On s’échappera par le discret passage du Marché pour rejoindre le plus bariolé Brady sous sa verrière empigeonnée. Il faudra s’arrêter à l’épicerie indienne Velan prendre le temps de ramener quelques épices et kumbava frais. Puis à deux pas d’ici se retrouver là-bas, au milieu de la bruyante Petite Istanbul. Remonter le faubourg et ses parfums de grillades, ses étals débordants de couleurs ; glaner une escalope et grappiller quelques fruits. Une rue à droite et c’est déjà l’Asie. Se perdre dans les rayons de la maison Huang et remplir son sac de feuilles de shizo, vinaigre de yuzu, graines de sésame au wasabi et pâte de miso.
Prendre enfin la direction du retour par la station Château d’Eau, en marquant une courte pause chez Globus Star, le temps d’attraper un bocal de cornichons polonais. Slalomer entre les rabatteurs capillaires ivoiriens, et remonter la rue en flairant encore quelques spécialités : grecques, du Sud- Ouest, israéliennes… Fin du voyage.
TB

 

Définitivement Tu peux déjà,
Grand Corps Malade, Thomas Baas,
Les Arènes et Anouche Productions, 18 euros.

 

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