Rebecca Marder

© Judith Prigent

Après sept ans à la Comédie-Française et une riche année 2022, c’est aujourd’hui dans Simone, le voyage du siècle, actuellement en salles, que Rebecca Marder nous offre la palette de son immense talent.

Si je ne suis pas jaloux de nature, je comprendrais que d’autres le deviennent en apprenant que Rebecca Marder est ma voisine ! Je me souviens que lorsque nous nous étions présentés, il y a cinq ans, elle m’avait juste dit travailler à la Comédie-Française, rien de plus. D’autres auraient annoncé pompeusement « Je suis comédienne ». Pas elle. Accessibilité et modestie sont ses lignes de conduite. Rebecca a 5 ans lorsqu’elle voit pour la première fois une caméra (pour Ceci est mon corps, de Rodolphe Marconi) et cinq ans de plus dans la comédie Demandez la permission aux enfants! aux côtés de Sandrine Bonnaire et Pascal Légitimus. Ado, elle est la jeune Rachel dans La Rafle (2010) puis l’héroïne du téléfilm Emma d’Alain Tasma, avec Julie Gayet.

« J’aime m’asseoir sur le bord du canal et apercevoir les écluses s’ouvrir et se fermer. »

Après une formation au conservatoire d’art dramatique du 13e arrondissement, Rebecca rejoint en 2014 l’école du théâtre national de Strasbourg où elle est remarquée par Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française. À 20 ans, elle intègre la « Maison de Molière », où elle est alors la plus jeune pensionnaire depuis Isabelle Adjani, et débute dans Les Rustres de Carlo Goldoni. Dans Le Cid, Corneille fait dire à Rodrigue «Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années». Une réplique qui lui correspond très bien. Durant sept ans, Rebecca va jouer Molière, Racine, Feydeau, Tchekhov (La Cerisaie en 2021), mais aussi Jean-Luc Lagarce ou encore des créations adaptées d’Ingmar Bergman (Fanny et Alexandre en 2019) et de Marcel Proust (Du côté de Guermantes en 2020). Rapidement, le cinéma la rattrape, d’abord pour des seconds rôles où elle excelle : fille de Fabrice Luchini dans Un homme pressé (2018), sœur d’Ana Girardot chez Cédric Klapisch (Deux Moi), fille d’Isabelle Huppert dans La Daronne (2020), on la retrouve ensuite dans Seize Printemps de Suzanne Lindon et dans Tromperie d’Arnaud Desplechin, tous deux sortis en 2021.

Rebecca Marder dans Simone, le voyage du siècle.

L’année 2022 a été « son » année. Rebecca quitte la Comédie-Française, fait la couverture du magazine Elle et tient le premier rôle de deux films dans lesquels elle irradie: Les Goûts et les Couleurs de Michel Leclerc, avec Félix Moati et Judith Chemla et Une Jeune Fille qui va bien, de Sandrine Kiberlain, où elle porte le personnage d’Irène, jeune femme juive de 19 ans dans le Paris de 1942. La dureté de cette époque, Rebecca Marder l’a retrouvée en incarnant la jeune Simone Veil dans Simone, le voyage du siècle d’Olivier Dahan, aux côtés d’Elsa Zylberstein. «Pour moi, Simone Veil incarne la force, le courage, l’intégrité, la dignité, la résilience, un destin hors du commun. Comment a-t-elle pu garder foi en l’humanité en en ayant vécu le pire ? C’est une femme à qui les jeunes hommes et jeunes femmes doivent énormément, une pionnière. Ses combats pour l’Europe, le droit à l’avortement, la situation des femmes, des prisonniers, ont été révolutionnaires et restent malheureusement brûlants d’actualité. C’est impensable de constater que les combats qu’elle a menés doivent se poursuivre aujourd’hui encore. L’histoire n’est qu’une boucle. Simone Veil est une femme qui force l’admiration et le respect, elle est une source d’inspiration et un modèle. Ce fut un honneur de pouvoir l’incarner.» Rebecca y est bouleversante. Et si vous lui demandez si elle pense avoir joué «un rôle à César », elle répond : « Je n’en sais rien du tout, c’est impossible de dire ça ! Mais ça m’amuse… » D’ici là, elle sera plusieurs fois à l’affiche: «De Grandes Espérances, un très beau film de Sylvain Desclous avec Emmanuelle Bercot et Benjamin Lavernhe sur l’ascension sociale, l’amour et la politique, La Grande Magie, une comédie musicale de Noémie Lvovsky dont la musique est composée par le groupe Feu! Chatterton, et puis le prochain film de François Ozon. En attendant, j’ai envie d’écrire plus et je fais de la musique.» La musique, un autre univers pour Rebecca qui a interprété, avec une petite troupe d’acteurs de la Comédie-Française, également chanteurs et musiciens, le spectacle Les Serge (Gainsbourg point barre), hommage irrévérencieux à l’œuvre de Gainsbourg. Rebecca n’oublie pas pour autant de fréquenter les théâtres : « Aussi bien les Bouffes du Nord que le théâtre Antoine et celui de la Porte-Saint-Martin, des endroits magnifiques. J’interprétais une ouvreuse du théâtre Antoine dans le film de Sandrine Kiberlain, et c’est à la Porte-Saint-Martin que nous avons répété les danses et les chansons de La Grande Magie de Noémie Lvovsky. Je regrette beaucoup de ne pas avoir pu voir au théâtre Antoine la pièce Simone Veil : Les combats d’une effrontée. Malheureusement, à l’époque je jouais tous les soirs à la Comédie-Française. Il paraît que les actrices Cristiana Reali et Noémie Develay-Ressiguier y sont merveilleuses. Mais je sais aussi que la pièce est reprise à partir du 4 novembre ! » Enfin, Rebecca, pour finir : « Quelle est la question que l’on ne te pose jamais et à laquelle tu aimerais répondre ? » — « Que signifie en argot l’expression faire du Rebecca ? Se rebeller ! » Vous, pas, mais moi, j’adore ma voisine !

Les adresses qui me font aimer le 10e

« Les quais du canal, pouvoir se promener près de l’eau et avoir l’impression de respirer, s’asseoir sur le bord et apercevoir les écluses s’ouvrir et se fermer. Le Louxor et le Brady : je vis toujours les films différemment dans ces deux cinémas mythiques. Plus grands, plus émouvants, de vrais voyages. Les fresques de la rue Lucien Sampaix. Le restaurant Le Chardon pour ses plats délicieux et son charme. Le Verre Volé, très bonne nourriture et bonne cave. Levain Le Vin pour son pain incroyable et pétri sous nos yeux! La boutique vintage Love&Dress, rue d’Hauteville, tenue par deux femmes inspirées, engagées et intègres qui luttent contre la fast-fashion. Elles sont de très bons conseil et ne poussent pas à la consommation quand quelque chose ne vous va pas. J’y ai trouvé mes plus beaux jeans grâce à elles. Les jardins de l’hôpital Saint-Louis. Je n’y suis pas retournée depuis le Covid mais comme il y a peu d’espaces verts dans le 10e, j’adorais y aller pour apprendre mes textes. »

Le Chardon, 27 rue Bouchardon ; Le Verre Volé, 67 rue de Lancry ; Levain Le Vin, 83 rue du Faubourg Saint-Martin ; Love&Dress, 45 rue d’Hauteville ;

Auteur : Vincent Vidal

AUCUN COMMENTAIRE

PUBLIER UNE RÉPONSE